épisode 6 – 10 décembre

– Bonjour Madame? Je suis votre voisin, veuillez pardonner mon intrusion, êtes-vous au courant ?

– De quoi ? Moi derrière la porte.

– Il y a eu un drame épouvantable dans notre résidence

– Ah bon, moi derrière la porte.

– Je vois que vous n’êtes pas au courant, ne voulez-vous pas ouvrir?

– Si si, moi derrière la porte j’ouvre.

– Il y a eu un assassinat !

– Quand ? moi devant la porte entrebâillée à cause des chats.

– C’est arrivé ce matin.

– Moi j’étais en ville

– Oui, dans le bâtiment du haut

Il était vieux le voisin, chic, en chaussons beiges à fourrure synthétique, il avait de la salive sèche aux commissures, il me fixait.

– Oui, vers dix heures ce matin, la police est arrivée, vers dix heures, ce matin, dans notre résidence,

– …

– Vous aviez déjà sorti vos chiens

– Ah Il sait quand je sors les chiens je pense sans dire.

– Nous n’avons rien entendu, Madame Billière m’a dit que cela ne s’entendit pas

– C’est les couloirs ils absorbent

– …

– La police m’a confié la tâche de prévenir les résidents, ils vont nous interroger

– Je ne sais rien

– Vous auriez pu vous douter de quelque chose

– De quoi ?

– De l’assassinat,

– Pourquoi moi ?

– Ils avaient des chiens.

– Qui ?

– Les assassinés

– Bien entendu. Il me fixe.

– Y en a combien ?

– Des chiens ?

– Des assassinés

– Vous savez qu’ils étaient plusieurs ?

– Je présume

– Vous présumez ?

Je ne sais pas c’est vrai je ne sais pas : comment saurais-je ? Logiquement je ne sais pas : pourquoi sais-je ?

Et ben voilà il me fixe, j’ai des chiens, les assassinés sont plusieurs, ils ont des chiens, il me fixe : suis-je coupable seigneur?

Je sais! c’est lui ! Il a dit : »ils avaient des chiens »

– C’est vous !

– C’est moi quoi ?

– C’est vous, vous avez dit : « ils avaient des chiens »

Le vieux me fixe et soudain lève un index tremblant vers sa tempe signant par ce geste singulier son jugement sur ma personne.

– ça va pas bien hein !

Bon, c’est triste mais il n’a pas tort je suis un peu zinzin et alors ?

Moi, aux assassinés je leur veux pas de mal, qu’on me foute la paix j’y suis pour rien c’est tout : pour rien.

Je claque la porte et m’en retourne vers la gamelle.

 

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