– Bonjour Madame? Je suis votre voisin, veuillez pardonner mon intrusion, êtes-vous au courant ?
– De quoi ? Moi derrière la porte.
– Il y a eu un drame épouvantable dans notre résidence
– Ah bon, moi derrière la porte.
– Je vois que vous n’êtes pas au courant, ne voulez-vous pas ouvrir?
– Si si, moi derrière la porte j’ouvre.
– Il y a eu un assassinat !
– Quand ? moi devant la porte entrebâillée à cause des chats.
– C’est arrivé ce matin.
– Moi j’étais en ville
– Oui, dans le bâtiment du haut
Il était vieux le voisin, chic, en chaussons beiges à fourrure synthétique, il avait de la salive sèche aux commissures, il me fixait.
– Oui, vers dix heures ce matin, la police est arrivée, vers dix heures, ce matin, dans notre résidence,
– …
– Vous aviez déjà sorti vos chiens
– Ah Il sait quand je sors les chiens je pense sans dire.
– Nous n’avons rien entendu, Madame Billière m’a dit que cela ne s’entendit pas
– C’est les couloirs ils absorbent
– …
– La police m’a confié la tâche de prévenir les résidents, ils vont nous interroger
– Je ne sais rien
– Vous auriez pu vous douter de quelque chose
– De quoi ?
– De l’assassinat,
– Pourquoi moi ?
– Ils avaient des chiens.
– Qui ?
– Les assassinés
– Bien entendu. Il me fixe.
– Y en a combien ?
– Des chiens ?
– Des assassinés
– Vous savez qu’ils étaient plusieurs ?
– Je présume
– Vous présumez ?
Je ne sais pas c’est vrai je ne sais pas : comment saurais-je ? Logiquement je ne sais pas : pourquoi sais-je ?
Et ben voilà il me fixe, j’ai des chiens, les assassinés sont plusieurs, ils ont des chiens, il me fixe : suis-je coupable seigneur?
Je sais! c’est lui ! Il a dit : »ils avaient des chiens »
– C’est vous !
– C’est moi quoi ?
– C’est vous, vous avez dit : « ils avaient des chiens »
Le vieux me fixe et soudain lève un index tremblant vers sa tempe signant par ce geste singulier son jugement sur ma personne.
– ça va pas bien hein !
Bon, c’est triste mais il n’a pas tort je suis un peu zinzin et alors ?
Moi, aux assassinés je leur veux pas de mal, qu’on me foute la paix j’y suis pour rien c’est tout : pour rien.
Je claque la porte et m’en retourne vers la gamelle.